Sur les 7 000 espèces végétales utilisées comme aliments dans le monde, seules 150 ont une importance commerciale, et 103 d'entre elles représentent 90% de la production alimentaire mondiale. Actuellement, les 2/3 des calories consommées à l’échelle mondiale proviennent de seulement 9 espèces végétales, dites majeures pour l’alimentation et l’agriculture. Le blé, le riz et le maïs représentent à eux seuls 56% des calories consommées.
En plus de la disparition des espèces mineures et sous-utilisées, la sélection systématique des variétés au sein des espèces majeures pour les hauts rendements au détriment de la valeur nutritionnelle, accélère encore advantage le déclin de la biodiversité à la fois en termes de diversité alimentaire dans notre assiette et de diversité génétique des variétés cultivées au champ.
Cette érosion de la biodiversité en agriculture fait peser un risque à la fois sur notre alimentation et sur notre santé.

Le quinoa appartient à une seule espèce botanique domestiquée (Chenopodium quinoa Willd.), mais il existe cinq grands types de quinoas souvent méconnus selon les écosystèmes où il s’est diversifié.

Le quinoa est une plante herbacée cultivée originaire de la région andine. Il a été domestiqué autour du lac Titicaca, à 3 800 mètres d’altitude, il y a environ 7 000 ans.

Les transformations morphologiques dues à la sélection humaine ont produit une inflorescence plus compacte, une taille accrue des tiges et des graines, la perte des mécanismes de dispersion des graines et une pigmentation élevée.

Adapté à divers contextes écologiques et sociaux au fil des migrations humaines, le quinoa s’est répandu dans les Andes (Bolivie, Pérou, Chili, Argentine, Équateur, Colombie) et jusqu’à l’île de Chiloé.

Il existe aujourd’hui cinq grands écotypes de quinoa, chacun adapté à des agroécosystèmes spécifiques (défini au sein d’un gradient d’altitude et de pluviométrie) :

1.Quinoas de l’Altiplano (>3 800 m), autour du lac Titicaca.

2.Quinoas des Salars (lacs salés), principalement dans le sud de la Bolivie (Uyuni), le nord du Chili et de l’Argentine, dans les déserts d’altitude.

3.Quinoas des Vallées inter-andines, poussant entre 2 500 et 3 600 m d’altitude, avec des précipitations pouvant atteindre 1 000 mm/an.

4.Quinoas des Yungas, dans les vallées forestières subtropicales de Bolivie.

5.Quinoa de la côte/du niveau de la mer (0-1500 m), présent au centre-sud du Chili.

Chacun de ces 5 écotypes présente aussi en son sein une diversité génétique énorme ce qui fait qu’on dénombre dans les pays andins plus de 6000 variétés paysannes.

Pour exploiter pleinement la biodiversité des variétés mineures de quinoa, il est essentiel de développer des processus de désaponification flexibles, capables de traiter des grains de couleurs différentes, de tailles variées et avec des niveaux contrastés de saponines.

Pour cela, à Qualinoa, nous avons développé un pilote industriel qui nous permettra très prochainement d’installer une ligne avec un pilote opérationnel, capable d’assurer une désaponification efficace selon les caractéristiques précises d’un lot donné, tout en répondant aux besoins des producteurs et des importateurs de produits diversifiés et nutritifs sur le marché.

L'intensification de l'agriculture dans les années 60, par l'utilisation d'intrants chimiques et la mécanisation, a structuré le projet de la Révolution Verte. Cette modernisation de l’agriculture a privilégié les variétés à hauts rendements, entraînant une production agricole accrue mais aussi la perte de près de 80 % des variétés paysannes des principales espèces alimentaires. Cette réduction de la biodiversité a également affecté les insectes pollinisateurs et les oiseaux.
Pour maintenir une activité rentable, les agriculteurs ne peuvent pas supporter seuls la responsabilité de la conservation de la biodiversité. Une politique agricole soutenant la biodiversité paysanne est essentielle car la disparition des variétés cultivées emporte avec elle la biodiversité associée, même lorsque les variétés sont préservées ex situ dans des banques de semences.
Le système actuel, basé sur l'agriculture chimique, l'expansion des surfaces cultivées et la mécanisation, repose sur des banques de semences pour l'amélioration et la création de nouvelles variétés, mais ce modèle est figé et ne permet pas aux semences d'évoluer en même temps que leurs prédateurs et maladies dans l’environnement de culture. Les variétés paysannes évoluent constamment avec le milieu : c’est la conservation dynamique.

La biodiversité du quinoa est principalement entretenue par les agriculteurs dans leurs champs, complétée par des collections conservées dans des banques de germoplasme. Cette diversité génétique est essentielle pour développer de nouvelles variétés adaptées à une culture mondiale sur tous les continents. Grâce à leur savoir-faire et à leur expérience, les agriculteurs sélectionnent et améliorent continuellement les variétés paysannes ainsi que les variétés dites modernes, pour répondre aux exigences et contraintes spécifiques de leurs systèmes agricoles.

Cette gestion dynamique de la biodiversité cultivée renforce l'adaptation et la résilience du quinoa face aux défis environnementaux croissants. Elle ouvre également de nouvelles perspectives pour diversifier les cultures de quinoa à l'échelle mondiale, soutenant ainsi son expansion dans plus de 125 pays. En reconnaissant et en soutenant le rôle crucial des agriculteurs dans la conservation et l'utilisation durable de la diversité génétique, nous renforçons la capacité du quinoa à s'adapter et à prospérer dans des conditions changeantes, tout en préservant sa richesse nutritionnelle pour les générations futures.

Aujourd’hui, seules une dizaine de variétés de quinoa sont inscrites dans le catalogue européen des semences afin d’être commercialisées et autorisées à la culture. Elles sont toutes issues au départ des ressources génétiques andines et elles ont été adaptées au climat européen.

Cette offre variétale extrêmement limitée contraste avec les 6000 variétés existantes dans les Andes et rend les agriculteurs dépendants en amont de 2-3 entreprises semencières en Europe. De plus, en aval, le marché est dominé par quelques gros importateurs (4-5), qui gèrent la distribution du quinoa dans les différents canaux (du magasin spécialisé aux supermarchés et e-commerce), rendant difficile l’entrée d’agriculteurs non organisés en coopératives sur cet espace de transformation et de commercialisation du quinoa. Enfin, côté consommateurs, les variétés cultivées en France et en Europe sont principalement des variétés « douces » à haut rendement. Or, ces variétés présentent des profils nutritionnels hétérogènes et à titre individuel, aucune ne présente un profil complet. Certaines d’entre elles restent sujettes à l’amertume du fait de la présence de saponines résiduelles après brossage.

C’est pourquoi, aujourd’hui, Qualinoa accompagne les agriculteurs qui se lancent dans la culture du quinoa en :

• leur facilitant l’accès à une grande diversité de variétés.
• les aidant à évaluer les variétés les plus adaptées à leurs conditions de culture.
• travaillant avec les acteurs de la filière pour assurer des débouchés.
• développant des innovations alimentaires pour diversifier les débouchés du quinoa.

Nous avons réduit à quelques espèces majeures (blé, riz, maïs, etc.) la biodiversité sur laquelle repose notre diète alimentaire, et perdu au sein de chacune de ces espèces de très nombreuses variétés tout en dégradant la valeur nutritionnelle de celles restantes. Les variétés modernes, bien que très productives, sont plus sensibles aux maladies et ravageurs c’est pourquoi elles nécessitent davantage d'intrants chimiques, organiques, ou d’eau pour croître et atteindre leurs rendements potentiels. Mais, le changement climatique rend ces variétés extrêmement vulnérables car elles ont perdu leur rusticité pour faire face aux changements, le plus souvent imprévisibles et extrêmes, de leur environnement actuel.
Nous avons progressivement sélectionné des variétés pour des milieux contrôlés alors que la péjoration climatique accroît l’incertitude avec des événements extrêmes de plus en plus imprévisibles (température, salinité, précipitations, etc.). De plus cette même sélection pour des hauts rendements à toujours privilégié la quantité de nourriture produite au détriment de la qualité nutritionnelle. Ainsi, si les rendements diminuent avec un climat changeant, les besoins nutritionnels d'une population mondiale croissante ne seront plus satisfaits. La moitié de la Chine est déjà désertique, rendant l'agriculture impossible, ce qui pousse le pays à acquérir des terres en Afrique pour assurer sa sécurité alimentaire.
Par conséquent, il est crucial de se tourner vers des espèces mineures et rustiques, comme le quinoa, qui peuvent pousser dans des conditions difficiles. La recherche agronomique sur ces espèces négligées pendant des siècles offre alors un retour sur investissement important et très rapide comparé aux résultats extrêmement réduits que l’on pourrait attendre des espèces majeures avec des rendements pour certaines qui ont déjà atteint leur maximum.

Les différentes variétés de quinoas pour l'alimentation humaine présentent une grande variabilité en termes de qualité nutritionnelle. La majorité des quinoas commercialisés à l’export depuis les Andes présentent de gros grains blancs (85%) standardisés pour le marché international, tandis que de très nombreuses variétés mineures, souvent avec des qualités nutritionnelles exceptionnelles, sont exclues des chaînes mondiales d'approvisionnement. En effet, les industriels preferent traiter uniquement les variétés standardisées à gros grains pour réduire leurs coûts de transformation post-récolte, ce qui crée un effet d'entonnoir sur la diversité des variétés cultivées par les agriculteurs andins. Des variétés mineures disparaissent ainsi régulièrement car les debouches internationaux sélectionnent des types variétaux et ce qui oriente les choix des agriculteurs.
Il est crucial de caractériser plus précisément la composition nutritionnelle de chaque variété de quinoa afin de comprendre ses spécificités et ses contraintes de culture et d’usage. Cette connaissance fine de toutes les variétés est essentielle pour permettre de continuer à diversifier les utilisations potentielles du quinoa, en exploitant pleinement les qualités nutritionnelles et technologiques des variétés mineures souvent négligées sur le marché mondial.

Le quinoa andin est traditionnellement cultivé manuellement par des familles, avec une mécanisation limitée à la préparation du sol avant le semis. En Europe, la culture du quinoa est hautement mécanisée à chaque étape, et repose sur des variétés à haut rendement qui requièrent l’apport d’intrants chimiques. Les émissions de GES par kg de quinoa cultivé en Europe sont supérieures, même en agriculture biologique (mécanisée), à celles du quinoa andin importé, malgré le transport par porte-conteneurs car ce transport final compte pour moins de 5% dans l’empreinte environnementale totale du produit final (Source : étude des Pays Bas / Pablo’s Quinoa revolución).
Cette différence s'explique notamment par la présence du chénopode blanc, une espèce sauvage cousine du quinoa, dans les champs de céréales européens, nécessitant des passages répétés de machines agricoles pour la gestion des adventices et la récolte, surtout en cas de saison humide. Outre son impact sur le dérèglement climatique au travers des émissions de GES, il faut noter que 2/3 de la production de quinoa en France est en agriculture conventionnelle et non en agriculture biologique.
L’accompagnement des agriculteurs de quinoa proposé par Qualinoa s’appuie sur des pratiques agroécologiques avec une augmentation de la densité de semis pour mieux gérer les adventices et des associations de cultures pour limiter le passage des engins grâce à une projection pluriannuelle avec la rotation des cultures.

Pour répondre aux besoins alimentaires futurs tout en s'adaptant aux changements climatiques, la recherche agronomique cible des espèces rustiques peu exigeantes en intrants, avec de faibles besoins d’eau, pour un haut rendement en nutriments. Parmi les 20 espèces de super aliments identifiées par la NASA, le quinoa figure parmi les trois premières en raison de son profil de protéines complètes avec un bon équilibre entre tous les acides aminés essentiels. Contrairement aux céréales traditionnelles comme le riz ou encore le blé, qui nécessitent souvent des associations avec des légumineuses (lentille, haricot …) pour compléter leurs taux d certains acides amines déficitaires, ces super aliments fournissent de manière équilibrée tous les micro et macro nutriments nécessaires pour couvrir les besoins de l’alimentation humaine.
Le quinoa présente un potentiel agronomique remarquable avec un effet démultiplicateur significatif : un seul grain semé peut produire jusqu’à 500 grammes sachant le poids de 1000 grains est en moyenne de 3 g. Comparé à environ 40 à 50 grains sur un épi de blé issu du semis d’un grain sachant que la culture du blé nécessite de 600 à 800 mm d’eau contre 200 à 400 mm pour le quinoa!
Investir dans la recherche pour développer de nouvelles variétés de ces espèces mineures pourrait encore accroître leur productivité et renforcer leur adaptation aux conditions climatiques changeantes tout en valorisant leur potential nutritionnel pour assurer la sécurité alimentaire mondiale.

L'amertume des grains de quinoa est due à la présence naturelle de saponines (un savon naturel) sur la couche externe du grain. La grande diversité génétique des variétés de quinoa entraîne une variation de la teneur en saponines, allant de variétés dites « douces » contenant très peu de saponines (<0,12%) aux variétés amères en contenant beaucoup plus (>1%).

Depuis 2020, l’agence des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) a établi une norme réglementaire dans son CODEX alimentaire stipulant que le taux de saponines ne doit pas dépasser 0,12% pour la commercialisation des grains de quinoa. Ainsi, les variétés amères nécessitent des opérations de nettoyage (par voie sèche et humide) pour abaisser leur taux de saponines sous de ce seuil. Ces opérations sont maintenant bien maîtrisées par l'agro-industrie permettant ainsi d'éliminer complètement l'amertume des variétés originellement amères.

En revanche, les variétés considérées comme douces, déjà en dessous du seuil réglementaire, ne nécessitent aucune opération de nettoyage selon la réglementation internationale. C’est pourquoi certaines variétés douces (sans lavage obligatoire) peuvent paradoxalement présenter un goût plus amer que des variétés naturellement très amères qui ont été correctement lavées avant d'être commercialisées.
En Europe, la sélection des variétés de quinoa s’est principalement faite en direction des variétés douces pour limiter les opérations post-récolte qui sont coûteuses. Plusieurs variétés douces sont désormais cultivées, subissant simplement un brossage des grains pour les rendre plus brillantes, sans éliminer les saponines résiduelles. Par conséquent, et de manière contre-intuitive, ces variétés douces peuvent paraître amères pour certains consommateurs sensibles, contrairement aux variétés andines ayant été bien lavées.

Une critique fréquente de l'importation de quinoa des Andes est qu'elle réduirait la disponibilité alimentaire pour les populations locales et augmenterait les prix locaux en les alignant sur les cours mondiaux.

Cependant, la production de quinoa en Bolivie et au Pérou a fortement augmenté au cours des 15 dernières années, avec une part toujours croissante destinée à la consommation nationale malgré un accroissement régulier des exportations. Par exemple, la consommation moyenne de quinoa par habitant au Pérou a doublé en 15 ans, tandis que ses exportations ont triplé.

En ce qui concerne les prix, le quinoa vendu sur les marchés locaux des Andes n'est pas soumis aux mêmes exigences de qualité que celui destiné à l'exportation, permettant aux variétés locales de rester disponibles à des prix abordables. Les populations locales l’achètent alors brut et utilisent des méthodes artisanales à domicile pour le désaponifier avant de le consommer.